
Poèmes récompensés - Grand Prix des Lettres 2024
Entre Terre et Mer
Je suis fou.
Fou d’amour car la belle Marie a fait un nœud en huit autour de mon cœur.
Fou de douleur car de toi, mon océan, ma patrie, Marie ne veut plus rien savoir.
N’a-t-elle pas raison de te haïr, d’ailleurs, toi qui lui as ravi une part de sa chair ? Je vois bien qu’elle en saigne encore.
C’est au plus noir de la nuit que j’ai largué les amarres. Assis sur le pont humide, tassé contre mon chalut, je ne peux lutter contre mes pensées qui, dans une course folle, livrent bataille.
Entre terre et mer, ma vie balance.
Entre terre et mer, je dois choisir et mon âme en meurt.
Alors je t’interroge, toi, mon océan, jusqu’à faire jaillir de la crête de tes vagues un signe, une humeur.
Qu’en penses-tu, ma mer nourricière ? Me laisseras-tu, tel un fils ingrat, quitter l’écume de tes bras pour ceux de ma fiancée des terres ?
Intranquille, je guette ta réponse.
Au petit matin, sonné par la lutte, ivre de fatigue, je ferme les paupières et me laisse emporter dans les eaux troubles d’un sommeil sans rêve.
Lorsque je reprends connaissance, c’est à un spectacle féérique que je suis convié :
Le soleil danse la gavotte sur le miroir étincelant de l’océan,
Le ballet des goélands dessine dans le ciel des arabesques majestueuses,
La parade des cormorans se laissant glisser dans le sillage argenté parachève cette vision merveilleuse.
Ô ma mer, aurais tu donc béni notre union pour te parer ainsi ?
Aurais tu donc revêtu tes habits de fête pour célébrer les noces de ton Marin et de sa Marie ?
Joie, bonheur, allégresse.
Gratitude.
Valérie BERTHET - VOYER - Prix Jacques CHABANNES
Hymne à la musique
« De la musique avant toute chose »
C’est le langage de l’esprit
Avant la parole et l’écrit
Avant que les mots ne s’imposent.
Classique, bluesy, rock’n roll
Elle nous inspire et nous enchante
Elle nous stimule et nous console
Des idées folles qui nous hantent.
« De la musique avant toute chose »
Serait-ce un cri de l’intérieur
Ou bien un chant venu d’ailleurs
Qui s’impose et que l’on transpose ?
La musique adoucit les heures
Elle est la muse préférée
Des gens seuls et désespérés
Jusqu’en leur dernière demeure.
« De la musique avant toute chose »
Ne pense pas qu’à la structure
Du poème en vers ou en prose
Ouvre ton âme à la nature.
La musique est un don céleste
Qui nous emporte et nous élève
Au-delà de nos mœurs agrestes
Et nous offre une part de rêve.
« De la musique avant toute chose »
De La Mer cueille Les Embruns
Et restitue moi le parfum
Enivrant du Jardin des roses
De la vie buvons le nectar
Ecoutons La Flûte enchantée
Nous t’aimons tant, dio dell’ arte
Wolfgang Amadeus Mozart
Françoise BERCOT - Prix Roger PINOTEAU
Les migrants
Et pourtant,
la mer était calme
comme la nuit et la lune étaient claires.
Nichés au creux des dunes,
ils attendaient.
Et pourtant,
leurs folles espérances
leur donnaient du courage.
Sur l’estran découvert,
ils coururent.
Et pourtant,
ils étaient jeunes et forts
pour se jeter dans les vagues.
Sur leur frêle esquif,
ils grimpèrent.
Et pourtant,
s’éloignant du rivage
dans la froideur de la nuit, droit devant,
courageux téméraires,
ils foncèrent.
Et pourtant,
au matin sur l’estran,
sans vie allongés sur le sable,
les vagues comme une mère
les caressaient.
Et pourtant,
d’autres viendront de loin
Pour les mêmes espérances.
Pour des libertés nouvelles,
ils tenteront.
Encore, encore, encore … et encore
Dominique LECAT - Prix René FLAMENT
À TOI,
Armoire de mes pensées
Où sont rangées ces heures
Si chères à mon cœur, demeurent
Dans le pli des piles rangées
Classées en draps de soie
Sorties à l’occasion
De nos corps à l’unisson
Au murmure de ta voix
Ressurgies de nos étreintes
Violente intensité
Interdits et liberté
Dans l’écueil de nos contraintes.
Joie de nos vieux jours
Retour à nos promesses
Déesses de notre détresse
À jamais et pour toujours.
Attendue, j’ai cru bien faire
Au coin de la rue, j’ai espéré
Ta silhouette, dans mon rêve, retrouvée
Je peux m’endormir et les taire
Ces langues impies
Le péché originel
L’amour éternel
Meurtries par l’envie
Je suis à toi
Présage de l’ombre
Où tout est si sombre
Mais je sais qu’au bout de toi, je suis ton Roi.
Sabrina DOLLE - Prix Claude FERRER
NOSTOS ET ALGOS*
Ô ma blanche cité ! Même si promptement
J’ai voulu la rupture et subi le tourment,
Ne cesse pas de peindre au-dessus des terrasses,
Le ciel en bleu limpide ! Aide les plantes grasses,
Le stipe des palmiers qui égayent mon cœur,
N’accorde aucune place à l’infâme rancœur.
Ton monde était le mien mais j’ai fui la lumière,
Suivant de mes aînés la foule moutonnière.
J’avais l’âge, il est vrai, d’encor donner la main
À la sage promesse, un meilleur lendemain.
Toi, l’horloge florale aux aiguilles réelles,
Perchoir improvisé des jeunes tourterelles,
Vous, la Vierge et la mer dans vos plus beaux atours,
Souvenirs excessifs de nos tendres amours,
Quand l’hâtive soirée ôtait le crépuscule,
Drapant les dormeurs las de fraîcheur noctambule.
Que n’ai-je le délice, au réveil, de poser
Mes pas sur l’avenue, et puis fraterniser,
Suivre les voiles clairs sous l’arcade accueillante,
Ranimer avec eux ma vie, adolescente !
Ô ma chère cité ! Un vent de déraison
Plus fort que le simoun venu de l’horizon
Échauffa les esprits, irrita nos paupières,
À trop mouiller nos yeux d’histoires meurtrières.
Quand il fut l’heure enfin d’abréger mon séjour,
Sans jamais te promettre un périlleux retour,
On percevait toujours l’inflexion des larmes,
Puis des accords signés devaient calmer les armes.
Depuis un demi-siècle il est un autre port,
La belle Ville Rose où chaque jour je dors.
* Nostalgie : mal du pays (du grec nostos, retour et algos douleur)
Michèle GRISCELLI - Prix Roger PINOTEAU
La terre en poésie
Tous ces mots qui nous viennent
Et qui sillonnent le ciel
Avant que se poser
Sur la page froissée
Tous ces airs qui surviennent
Pour chanter l'éternel
Dans des notes mesurées
Libérant les pensées
Toute cette lente envolée
Avant que ne parvienne
Jusqu'au fond des nuitées
L'indicible clarté
D'où qu'ils viennent, qu'ils surviennent
Les mots ne sont pas nôtres
De là-haut appartiennent
A un monde tout autre
Et si je prends pour mienne
La phrase qui sommeille
C'est bien pour qu'elle retienne
Cette lueur qu'éveillent
Toutes ces âmes anciennes
Qui nous parlent à merveille
Et que l'on se souvienne
Qu'elles ont écrit aussi
La terre en poésie
Avant que de rejoindre
Le monde de l'éternel
Muriel ODOYER - Nomination au Prix René FLAMENT
Les structures figées volent en éclats
L'univers déverse dans l 'espace infini
un flux d'énergies bienfaitrices
La danse captivante de myriades d'étoiles
au mystérieux devenir invite à l'évasion
fuir la citadelle satellite de la terne résignation
loin de l'enfermement de grilles invisibles L'esprit léger confiant s'élève
loin de l'étouffante routine
Délivré de tout conditionnement
les structures figées volent en éclats
Le plus puissant cerbère
n'est-il pas l'hostile apparition
de la peur fictive de l 'inconnu
déstabilisant par la perte de repères ?
L'appel aérien vers la découverte
animé par les passions
à la recherche d'un idéal
dissout les bulles d 'incertitudes
Une étoile filante subrepticement
offre ses scintillants secrets
Projection d'un nouveau décor astral
aux lueurs d'opportunités d'évolution
À la rencontre de Soi rayonnant de paix intérieure
la conscience en parfaite harmonie vibre avec
l 'univers lumineux
Céleste protection irradiant d'un amour inconditionnel
Josiane MORAL - ROBIN - Nomination au Prix René FLAMENT
L’oiseau de paradis
L’oiseau de paradis
Né d’un rêve gracieux d’Arcadie*
Aux plumes de soie luminescentes
Couronne d’aigrette lactescente
Regard ciel azuré
Parade aux quatre saisons sacrées
Nature changeante, chatoyante
Un écrin de couleurs rayonnantes.
D’un froufroutement d’ailes
Survole rêveries de dentelle
Printemps chantant, été flamboyant
Automne charmant, hiver dormant.
Divine symphonie
Aux notes vertes, rondes et fleuries
Clef de sol du soleil, ciel de grâce
Soupir de vermeil, noire de glace...
L’oiseau de paradis
Messager de vie, tu irradies
Dans nos songeries d’infinitude
Doux secret d’un amour plénitude.
Oiseau de paradis
L’aurore a rosi
Mythe ou parodie ?
S’envole plume de Poésie…
Martine-Renée-Jeanne PLAS-COMBES - Mention au Prix Claude FERRER
Avec Venus
Sous le vélin d’un ciel de flammes et de fleurs,
Les lauzes sous les toits s’habillaient de lueurs
Fauves sous les derniers rayons ensorceleurs.
Dans un brasier le causse attendait que la nuit
De son doigt enchanteur inhumât tous les bruits,
Les rocailles, les prés, les cistes et les buis.
J’avais franchi la porte et grimpé la calade
Qui menait tout en haut de La Couvertoirade,
Rêvant des fous de Dieu du temps de la Croisade,
Des hauberts rutilants vers La Cavalerie,
D’oriflammes flottant sur la commanderie,
De Jacques de Morlay et de sa confrérie.
Personne. Si ce n’est, peuplant le cimetière,
De rares croix d’antan sans noms, et quelques pierres
De preux assermentés aux racines des lierres,
Qui faute d’avoir bu la liqueur d’ambroisie
Attendent patiemment leur palingénésie
De peur d’un châtiment lors de la parousie.
100
Avec ses pans de murs que la nuit va couvrir,
L’église n’est qu’un cœur où bat le souvenir
De tant de ces humains condamnés à mourir.
C’est alors qu’au lointain, sous l’ultime soleil,
Arrive lentement sur un chemin vermeil
Un troupeau que trois chiens rabattent et surveillent.
Un tulle revêt d’or la draille du plateau,
Les moutons, leurs gardiens. Tout près d’un boqueteau
Le berger, un instant, s’assoit sur son manteau
Et regarde l’azur. Peut-être entendrait-il
Le flamboyant appel pour partir vers cette île
Lorsqu' un pâtre s’en va, loin d’un monde futile,
Seul avec son troupeau de bêlantes brebis,
Ses trois chiens, son manteau, son vieux sac qu’il fourbit.
L’horizon se dénude en perdant ses rubis.
Comme un oiseau immense aux ailes de tristesse
Le village devient une ombre qui s’affaisse,
Et l’ombre devient nuit, la nuit devient épaisse.
S’endorment les brebis, le Larzac. Il est tard
Désert est le village et désert son rempart.
Se réveille Vénus au-dessus du Caylar.
Je la suis et m’en vais vers la terre Cathare.
Eugène GALLAND - Mention au Prix Roger PINOTEAU